jeudi 15 juillet 2021

La familia grande, Camille Kouchner, livre sur l'inceste

 

Chers lecteurs, en vacances, grosse reprise de la lecture (et de l'écriture). 
 
Voici donc mon avis sur La familia Grande de Camille Kouchner :
 
Après quelques hésitations, je me suis lancée dans ce livre témoignage.
Présenté comme un livre sur l’inceste, plusieurs choses m’ont un peu gênée au début. Bien sûr cela reste subjectif, mais je n’ai pas été emballée par l’écriture. Le deuxième point qui m’a dérangée est que j’ai eu la désagréable impression que la victime de cet inceste, son frère donc, n’était pas forcément entièrement d’accord avec la démarche publique de sa sœur. Elle le remercie certes, mais il dit clairement qu’il aurait préféré que cela ne soit pas rendu public. 
 
A partir de là, je me suis posée la question de la motivation de Camille K.. Pourquoi a-t-elle eu besoin de coucher cela sur le papier ? Est-ce pour défendre les droits de son frère, pour clamer haut et fort l’ignominie de l’inceste, ou pour tenter de s’absoudre de ce qu’elle pense être sa responsabilité dans tout cela : ne rien avoir dit ?
 
Les trois sûrement, mais j’ai eu le sentiment qu’il s’agissait surtout de la troisième possibilité.
Et là réside tout l’intérêt du livre à mon sens. En reprenant du début l’histoire de sa famille, les mœurs « légères» qui la caractérisaient du côté de leur mère, mais aussi le côté dominateur de leur père, la peur qu’il leur inspirait, ce regard qui les figeait, Camille Kouchner dresse le tableau d’une famille dysfonctionnelle. 
 
Vient ensuite ce fameux beau-père, adoré, adulé même par Camille, avec lequel une complicité importante se créée. Séducteur, sociable, réussissant dans la vie, cet homme va les conquérir, les amadouer. Jusqu’à l’emprise.
Emprise qui s’exprimera autant sur Victor, 14 ans, auquel il demandera des faveurs sexuelles que celui-ci ne sera pas en mesure de lui refuser, que sur Camille, qui ne voudra/pourra pas voir le mal-être grandissant de son frère ni les indices pourtant évidents des abus subis.
C’est de cela dont traite ce livre, avant même l'inceste : de l’emprise psychologique, de la manipulation et de la domination. Qu’elles soient réalisées avec de la séduction ou de la peur, souvent les deux d’ailleurs, rien ne serait possible sans leur présence. L’inceste ne serait pas possible. Le silence ne serait pas possible. 
 
C’est l’emprise qui enferme les victimes comme les témoins. Qui amène à nier les faits, à les minimiser, à les oublier même parfois, tant ils sont insupportables psychologiquement. C'est la honte et la culpabilité plus tard, qui retardent ou empêchent l'enfant devenu adulte de parler. Et quand, dans le livre, une plainte est enfin déposée, il est trop tard. On sent la colère intense de Camille K., quand elle voit les policiers dire à son frère que oui, il a été victime de viol, mais que non il n'y aura pas de condamnation, même si un procès peut avoir lieu quand même. Car la loi n'est pas rétroactive. Et si depuis la loi de 2021, les coupables de viols sur mineur de moins de 15 ans (18 ans dans le cas des incestes) sont (en théorie...) passibles de 20 ans de prison et que la prescription advient aux 48 ans de la victime, ce n'était pas le cas avant.
 
Camille Kouchner est une victime collatérale. Elle exprime la honte, la colère, le regret. Mais comme Victor, elle n’a rien pu faire, rien pu dire. Elle aussi était sous emprise.
Sa souffrance et sa culpabilité, exprimées au fil des pages, font écho à celles de son frère, que l’on devine en filigrane.
Sa voix a porté, dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans la société, et a probablement contribué, grâce au battage médiatique auquel il était absolument impossible d'échapper, à libérer la parole de nombreuses victimes.