jeudi 16 juin 2022

Les impatientes de Djaïli Amadou Amal

 


Un très beau livre que je vous conseille : Les impatientes de Djaïli Amadou Amal. Prix Goncourt des lycéens.
 
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4ième : Trois femmes, trois histoires, trois destins liés.
 
Ce roman polyphonique retrace le destin de la jeune Ramla, arrachée à son amour pour être mariée à l'époux de Safira, tandis que Hindou, sa soeur, est contrainte d'épouser son cousin.
Patience ! C'est le seul et unique conseil qui leur est donné par leur entourage, puisqu'il est impensable d'aller contre la volonté d'Allah. Comme le dit le proverbe peul : « Au bout de la patience, il y a le ciel. » Mais le ciel peut devenir un enfer. Comment ces trois femmes impatientes parviendront-elles à se libérer ?
 
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Dans tout le roman, un mot revient tel un letimotiv : Munyal, qui en langue Peule signifie patience, mais aussi endurance, maîtrise de soi.
 
C'est le mot que les pères, mais aussi et surtout les mères et les tantes assènent à leurs filles comme un chemin de vie à suivre sans défaillir. Et il y a de quoi défaillir pourtant. L'auteure suit les destins de trois jeunes femmes, qui ont cela en commun d'être mariée à des hommes qu'elles ne désirent pas. Les deux premières en tant que co épouses, la dernière étant la première épouse du mari de la deuxième.
 
Ce qui m'a marqué, mis à part le côté autobiographique, à la fois poignant, simple et très pudique aussi, c'est la violence des femmes entre elles. Tout ce système de domination masculine n'est possible que parce que les femmes mûres, passées par ce cycle de souffrance infernal, reproduisent avec leurs filles, leurs nièces, ce qu'elles ont subi. Cela va de soit. Aucune autre vie n'est possible. Elles répètent à foison qu'avec de la patience, tout ira toujours mieux, que celle-ci sera forcément récompensée. 
 
Mais ce n'est pas de la patience que l'on demande à ces jeunes filles. C'est de sacrifier leur vie, leurs rêves, leurs espoirs, leurs corps, à un système qui les opprime et les violente. Quand la deuxième jeune femme, malheureusement tombée sur un mari drogué et alcoolique, est battue et violée au point d'en perdre conscience, aucun membre de sa famille ne l'aidera. Son mari n'aura aucun reproche, aucune critique, si ce n'est celle de "modérer ses ardeurs"...
 
Englués dans cette violence psychologique et physique au quotidien, des familles entières se meurent ainsi, n'arrivant pas à dépasser le carcan des obligations pour construire de vraies relations fondées sur le respect de la dignité humaine. Des hommes comme des femmes.